Un Parfum de Frangipane – Tome 1 – De l’autre côté du monde

― Je n’excuse rien, Mewenn. Je hais les Anglais comme je hais tous ceux qui veulent mettre un peuple à genoux. Aucun homme ne doit vivre à genoux. Opprimés, écrasés de taxes, les Américains ne pouvaient plus supporter la servitude que leur imposait l’Angleterre. Leurs ancêtres avaient fui leur pays d’origine pour ces mêmes raisons, la misère, la répression, l’injustice, comment auraient-ils pu tolérer que cela recommence ? Vous avez lu Corneille ? « Il n’y a que dans le sang qu’on lave un tel outrage ! »
― Pourquoi cultivez-vous l’horreur ? Est-ce pour oublier ce que vous avez fait là-bas que vous vous montrez cynique ? Ces choses atroces que vous avez écrites sur vos pages, les avez-vous réellement commises ?
― La guerre abolit toute humanité, Mewenn.
― Mais la guerre est loin, à présent.
― Quelle ignorance ! Il y aura toujours une guerre, ici ou ailleurs, pour une cause ou pour une autre. L’homme est ainsi. Ce n’est pas qu’il soit mauvais de nature, ce sont ses actes qui le rendent bon ou mauvais. Il arrive parfois que sa cause soit juste.
Perdu dans les réminiscences des souvenirs, Philippe s’échappait en songe, volait par-dessus les mers jusqu’aux champs de bataille qu’il avait traversés, et pleurait des larmes de sang.
― Que diriez-vous si je vous avouais avoir commis un acte horrible ?
À peine eut-elle prononcé ces paroles qu’elle le regretta. Pourquoi éprouvait-elle soudain le besoin de se confier à cet homme ? Parce qu’il lui avait livré son cœur ? Le besoin de se confesser la mortifiait, mais elle avait besoin de soulager sa conscience. Elle était certaine que le chevalier la comprendrait et ne la jugerait pas.
― Je dirais que cela ne fait qu’allonger la longue liste de vos méfaits.
― Vous n’êtes jamais sérieux. Je vous parle d’un crime que j’ai commis, et dont les conséquences ne cessent de me hanter.
― Vous parlez de cet homme que vous avez poignardé à Recouvrance ? Rassurez-vous, vous ne l’avez pas tué. Ce forban de Bra'ch s’en est chargé, ce qui lui a valu de croiser ma route… ce dont je me serais passé.